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LE BOURSIER DU ROI 21 suivi, comme les autres, qu’un cours de fortification élémentaire. Mais tout lui profitait.

Tout ce qu’il ne rejetait pas. Car il n’était pas « fort en thème ». Comme la plupart des collégiens qui ont marqué plus tard dans la vie, il s’affranchissait volontiers du programme. Il apprenait pour lui-même, non pour l’examen. Rebelle au latin et à la grammaire, qui lui semblaient inutiles, il lisait avidement pendant ses heures de liberté, avec une préférence pour la géographie et pour l’histoire. On peut dire que sa jeunesse a été une longue lecture. Il en avait gardé une abondance extraordinaire de notions et d’idées. Son imagination s’était enrichie. Son esprit s’était ouvert à mille choses. Il y avait pris aussi des facultés d’expression. Tout cela se retrouvera. Et nous verrons que, jusqu’au delà de sa vingtième année, il aura été un homme de lettres au moins autant qu’un militaire.

Il y avait cinq ans que Napoléon était à Brienne sans avoir revu les siens, lorsque son père le fit appeler au parloir. Charles Bonaparte, qui conduisait Elisa à Saint-Cyr, avait toujours des soucis d’argent auxquels s’ajoutait maintenant celui de sa santé. Et puis, ses enfants grandissaient. Joseph ne montrait aucun goût pour l’état ecclésiastique et prétendait entrer dans l’armée, ce qui désolait sa famille. Napoléon lui-même s’en mêlait, se faisait écouter, jugeant son aîné, auquel il ne reconnaissait pas d’aptitudes pour le métier militaire. Ce caprice dérangeait en outre les calculs des parents qui comptaient sur les avantages attachés à la prêtrise, sur le « bénéfice » promis d’avance à Joseph, à qui était réservé le rôle d’oncle archidiacre, peut-être même évêque, providence des neveux futurs. Et après Joseph, il fallait s’occuper de Lucien, pour qui le temps était venu d’entrer au collège, qu'on mettait à Brienne comme élève payant, le ministre lui ayant refusé une bourse parce qu’il était contraire au règlement que deux frères fussent boursiers à la