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NAPOLÉON

mouvements et des gestes à faire, à tout ce qu’il y aura de théâtre à Notre-Dame et qu’on étudie sur un plan, à l’aide de poupées habillées par Isabey, tandis que, jusqu’aux derniers instants — sans compter le quart d’heure réservé dans la nuit pour le mariage secret — il faut négocier avec le légat les détails du grand jour.

Il y avait une condition à laquelle tenait le Saint-Siège parce qu’elle était de rigueur et que Napoléon ne voulait subir à aucun prix. C’était que la couronne descendrait sur son front des mains du pape. Pie VII ne s’était décidé à venir à Paris qu’après avoir reçu l’assurance qu’il ne serait « rien innové » au rite traditionnel « contrairement à l’honneur et à la dignité du souverain pontife ». Le cardinal Consalvi avait ajouté : « Cela ne serait pas décent. » Trouvant sur ce point le pape inflexible, Napoléon avait tout promis se réservant de résoudre la difficulté sur les lieux. Et il fut un étonnant acteur, mû comme toujours par un sens artistique de la gloire. Le geste « à la fois impérieux et calme », si étudié qu’il en parut spontané, inspiré par une sorte de génie intérieur, — celui de la République, peut-être, — et par lequel, devançant le pontife, il saisit la couronne pour la placer lui‑même sur sa tête, ce geste, il sut le rendre si noble et si grand que tous les assistants sentirent qu’il appartenait à l’histoire.

Il appartenait positivement à la politique napoléonienne. Là encore se manifestait ce système de conciliation des contraires sur lequel avait reposé le Consulat et reposait la nouvelle monarchie. L’élu de la volonté populaire devenait l’élu de Dieu, il appelait à lui les forces spirituelles du catholicisme sans renier celles de la Révolution. Napoléon avait l’onction, l’huile sainte, une consécration dont il s’exagérait l’importance quand on voit le cas que les majestés catholiques et apostoliques, les fidèles, l’Église même en feront moins de dix ans plus tard,