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NAPOLÉON

chaîne encore à un autre plan et revêt un sens agréable à la France éprise de gloire. Le Saint‑Empire romain germanique, le vieux Saint‑Empire, cessera d’exister selon le vœu de la Révolution, vœu confondu avec les rancunes historiques de la France. Ce n’est pas tout. Il faut que, par la main du pape, Napoléon, aux yeux du monde, devienne le véritable Empereur. Il ne restera plus qu’à refouler l’autre, l’ancien, celui d’Allemagne, dans son Autriche. Et, pour les Français, cela encore vaut bien une messe. Au mois de septembre, quand les négociations avec Rome ont abouti, quand Pie VII a promis de venir à Paris, le nouveau Charlemagne passe à Aix-la-Chapelle, se montre sur le Rhin, reçoit l’hommage des princes allemands, des électeurs, des ducs, des margraves qui se tournent vers l’astre occidental.

Un nouveau Charlemagne, plus grand que l’autre, puisqu’il sera sacré mais non couronné par le pape, et puisque au lieu de recevoir l’huile sainte à Rome, c’est lui qui fait venir à Paris le chef de l’Église. Invitation si impérieuse, avec tant de menaces sous-entendues qu’elle ressemble à un ordre : « On fit, dit le cardinal Consalvi, galoper le Saint-Père de Rome à Paris comme un aumônier que son maître appelle pour dire la messe. » C’était cela. Et si encore ce n’avait été que cela !

Pour le fondateur d’une quatrième dynastie, le succès n’était pas médiocre d’obtenir la consécration qu’avait eue Pépin, fondateur de la deuxième, et de rejeter les Bourbons dans l’ombre comme l’avaient été les Mérovingiens. Bonaparte se plaisait toujours à ces évocations de l’histoire qui pourtant ne l’enivraient pas. Son Childéric n’était pas seulement Louis XVIII, c’était le duc d’Enghien. Alors, pour les catholiques, Pie VII venait le blanchir et pardonner. Pour les autres, le pape, absolvant le meurtre, condamnait la troisième race et s’inclinait devant la toute‑puissance du chef élu des Français.