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18 NAPOLEON

Charles Bonaparte laissait ses fils au collège d’Autun, Joseph, pour y faire ses humanités, l’autre pour y apprendre le français. Après moins de quatre mois, Napoléon était capable d’entrer à l'École royale militaire de Brienne. On dit qu’en se séparant de Joseph tout en pleurs, il ne versa qu’une larme. Encore s’efforçait-il de la dissimuler. Un de ses maîtres, l’abbé Simon, dit que cette larme solitaire trahissait plus de douleur qu’un chagrin bruyant. L’abbé Simon était perspicace. Cet enfant capable de se contenir annonçait un caractère et une volonté.

À Brienne, Napoléon reçut, « aux frais du roi », une éducation très soignée, une instruction sérieuse. Le ministre de la Guerre, Saint-Germain, celui qui admirait tant Frédéric II et qui voulait réformer l’armée française sur le modèle prussien, avait lui-même tracé le programme. Il s’agissait de préparer des officiers instruits, capables de se montrer dans le monde et, à tous les égards, de faire honneur à l’uniforme. Aux religieux qui dirigeaient l’établissement, étaient joints des professeurs civils, et, pour les mathématiques, des répétiteurs. On faisait un peu de latin. On apprenait l’allemand, langue regardée comme indispensable aux militaires, et dans laquelle Napoléon ne fut jamais plus fort que dans celle de Cicéron. Les arts d’agrément, la musique, la danse, n’étaient pas négligés. En somme, un enseignement assez complet et qui, s’il avait des faiblesses, n’en avait pas plus que les systèmes qu’on a inventés depuis et qui n’en diffèrent pas beaucoup.

Ce qui est important, c’est que, cet enseignement destiné à former des officiers français, Napoléon l’ait reçu dès sa dixième année avec d’autres enfants, bretons, lorrains, provençaux, dont les parents avaient, comme les siens, prouvé leurs quartiers de noblesse. Des impressions ineffaçables devaient en rester chez lui et le rendre apte, avant tout, à comprendre la France et à savoir lui parler. « Je suis plus champe-