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CHAPITRE XIII

LE FOSSÉ SANGLANT


De loin, pour la seule raison que cela s’est fait et comme toutes les choses qui se sont faites, rien ne paraît plus facile, plus naturel que l’établissement de l’Empire. Un fruit mûr semble tomber dans la main du premier Consul. Pourtant, de même qu’au 18 brumaire, il a fallu provoquer l’événement. Il a fallu, en outre, l’amener par le fer et que du sang fût versé.

À la guerre, c’était un des principes les plus assurés de Bonaparte que « toute opération doit être faite par un système parce que le hasard ne fait rien réussir ». Aussi préférait-il renoncer à un succès incertain plutôt que de se fier à la chance. En politique, il ne se comportait pas autrement. Nous avons vu que, jusqu’ici, il n’a jamais commis de faute majeure, qu’il a saisi les occasions sans se hâter. C’est ce qui rend compte de ses succès, ce qui explique son ascension continue. Au moment où la question de l’hérédité lui valait des démêlés irritants et ridicules avec ses frères, avec Joseph surtout, il s’était écrié devant quelques confidents : « Ma maîtresse, c’est le pouvoir. J’ai trop fait pour sa conquête pour me la laisser ravir ou souffrir même qu’on la convoite. Quoique vous disiez que le pouvoir m’est venu comme de lui-même, je sais ce qu’il m’a coûté de peines, de veilles, de combinaisons. » La rupture du traité d’Amiens, la guerre renaissante avec l’Angleterre, allaient créer les cir-