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NAPOLÉON

l’avantage d’écarter du trône futur les frères ambitieux et agités, les « princes du sang ». Bonaparte, infiniment plus gêné que servi par sa nombreuse et exigeante famille, aspire surtout à subordonner ses proches. Pour se délivrer du plus encombrant et du plus indocile de ses frères, il alléguera un mariage avec une Mme  Jouberthon qui pourtant valait bien à peu près Joséphine. Napoléon lui reprochait son passé et lui donnait le nom que naguère il pouvait appliquer à sa propre femme. « Au moins, disait effrontément Lucien, la mienne est jeune. » Louis, non moins insupportable en son genre, ombrageux et morose, ne causera que des déboires au chef de famille. Et Jérôme, le benjamin, si léger, être de luxe et de plaisir, lui donne d’autres ennuis en épousant à dix‑neuf ans une Américaine. Cependant le petit Napoléon‑Charles, que le premier Consul se réserve comme successeur, qui est, pour Joséphine, la grand-mère, heureuse de la combinaison, une garantie contre le divorce, cet enfant ne vivra pas. L’adoption mourra avec lui. Alors le désir viendra à Bonaparte qui, jusque-là, n’y a guère pensé, de se continuer lui‑même, de suivre la nature au lieu de l’imiter, d’avoir un fils pour lui léguer sa succession. Si l’Empire héréditaire est encore à naître du sénatus-consulte organique, le mariage autrichien est attaché à la vie fragile de Napoléon-Charles.

Ces pensées, ces perplexités, Bonaparte les mène avec lui du parc de Malmaison aux cités qu’il visite dans des tournées que nous appellerions présidentielles. Et comment ne songerait‑il pas à l’Empire lorsqu’il a les principaux attributs de la monarchie, lorsqu’il semble, en outre, qu’un Empire d’Occident vienne le chercher ? Le voici, en cette année 1802, chef de deux États, premier Consul en France, et, avec des pouvoirs encore plus étendus, président de la République italienne, à la demande de la Consulte qui est venue à Lyon pour lui dé-