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NAPOLÉON

pas de paix comparable à celle d’Amiens, triomphe de la Révolution guerrière, qui portait à l’apogée la puissance de la France et la gloire de Bonaparte.

C’était lui qui réalisait toutes les espérances de la nation. Conciliateur général, il donnait la paix au‑dehors, l’union au-dedans, la prospérité dans la grandeur. Par là, irrésistible auprès de la masse, soustrait, auprès d’elle, à la critique et à l’objection, homme unique et que nul ne pouvait remplacer sans remettre en question tout ce qu’on tenait pour acquis. Par là commençait aussi le pouvoir magique de son nom.

Le même que le nom de Henri IV avait eu. Et le Concordat fut l’Édit de Nantes du premier Consul. Lui seul, pacificateur universel, était capable de donner aussi la paix religieuse, grande idée qu’il nourrissait depuis sa première campagne d’Italie. Car si les églises s’étaient rouvertes au culte, si les cloches longtemps interdites s’étaient remises à sonner (et, disait‑il à Malmaison, en écoutant celles de Rueil, leur musique, qui lui rappelait son enfance, l’émouvait), il restait à régulariser la situation du catholicisme. Henri IV avait abjuré pour passer à la religion de la majorité des Français, non sans rencontrer des résistances lorsqu’il avait donné aussi un statut aux protestants. De même le premier Consul rencontrait des résistances pour son Concordat, conception pourtant politique et nationale, puisqu’il réconciliait encore, puisqu’il ralliait l’Église à la « France moderne », au gouvernement de Brumaire, à tout ce qui entrait de Révolution dans le régime nouveau et la part n’en était pas mince. Cependant il obtenait un autre résultat. Il coupait les liens de l’Église avec les Bourbons par une démission, imposée, d’accord avec Rome, à tous les évêques légitimes qui dataient de la monarchie comme elle était imposée aux évêques constitutionnels, ceux du schisme, les « jureurs ». Ce qui m’empêcha pas le premier Consul de vouloir