Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE BOURSIER DU ROI 19 Paoli s’était embarqué, abandonnant l’île. Le comte de Vaux accordait aux réfugiés de la montagne l’oubli, le pardon et des sauf-conduits. On retourna à Ajaccio, où Letizia mit au monde un fils.

Plus tard, elle racontait que, pendant cette gestation dramatique, ces chevauchées nocturnes, ces alternatives de triomphe et de défaite, elle le sentait remuer en elle furieusement. Ainsi Napoléon a connu les hasards de la guerre, il est allé d’un Austerlitz à un Waterloo avant d’avoir vu le jour.

Cependant Charles Bonaparte avait réfléchi. La cause de la liberté corse était sans espoir. L’épopée du maquis n’était plus qu’un souvenir. La France offrait la réconciliation. Il fallait vivre, garder la maison d’Ajaccio, la pépinière, la vigne et les oliviers. Il se rallia.

Avec sincérité, car, désormais, les Bonaparte seront toujours du parti français, mais bien décidé à ne pas laisser son ralliement sans fruit. L’aide de camp de Paoli courtise le commandant en chef et M. de Marbeuf accueille avec plaisir les avances de ce notable indigène qui porte témoignage en faveur de son administration. Cependant, Charles, dont la famille ne cesse de croître, dont les ressources diminuent, doit se tirer d’affaire. Il devient un solliciteur infatigable, habile et heureux.

C’est ainsi, et grâce à la bienveillante protection de M. de Marbeuf, que Charles Bonaparte fut député de la noblesse aux nouveaux « États de Corse » et obtint des bourses pour ses enfants. Napoléon dut à Marbeuf d’entrer à Brienne. Autre bonheur de sa vie. Il ne l’ignorait pas et, plus tard, il a payé sa dette par toutes sortes de bienfaits à la veuve et aux enfants de son protecteur. Il ne regrettait plus la déroute de Ponte Novo qui l’avait rendu Français.

Mieux vaut convenir que l’enfance de Napoléon ne fut pas une suite de prodiges. C’était un petit garçon turbulent et volontaire qui aimait à jouer au soldat et qui avait de la facilité pour le calcul. Un