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NAPOLÉON

puisque les frontières en seraient conformes aux vœux de la France, vœux que les Français confondent avec la raison. N’est-ce pas, en effet, à simplifier le « chaos féodal » de l’Europe autant qu’à atteindre les limites naturelles que les assemblées révolutionnaires, le Comité de salut public, le Directoire ont tendu ? « Finir la guerre, dit admirablement Albert Sorel, est, aux yeux de Bonaparte, une opération du même ordre que finir la Révolution. » Tellement que c’est la même chose, et tout le monde le comprend ainsi, du premier Consul au plus petit acquéreur de biens nationaux, des régents de la Banque de France, gardiens de la monnaie restaurée, au desservant de village qui voit venir le Concordat. Organiser l’Europe, lui donner un statut et une loi, ce n’est que l’équivalent du Code civil.

Ainsi Bonaparte est le grand pacificateur. Après la signature de Lunéville, il est acclamé comme jamais il ne l’a été et Paris retentit des cris de : « Vive Bonaparte ! » Il ne manque plus, pour que sa popularité monte encore, que la paix avec l’Angleterre et elle est prochaine.

On a dit que Napoléon n’y avait jamais cru et que, d’un coup d’œil sûr, il avait vu qu’elle ne serait qu’une trêve. Bien des signes permettent de penser le contraire. Il a eu, lui aussi, ses heures d’illusion. Ce qui le prouve, c’est que, cette paix, il l’a préparée avec soin, qu’il a cherché les moyens de la rendre solide. Et, pour la rendre solide, il faut qu’elle ne vienne pas seulement d’une lassitude réciproque. C’est à égalité qu’il entend traiter avec l’Angleterre, après l’avoir convaincue qu’elle a intérêt à traiter, le peuple français, maître du continent, des grands fleuves et de leurs embouchures, faisant équilibre à la maîtresse des mers. La paix séparée de l’Autriche a été un coup cruel pour la politique de Pitt. L’Angleterre, fatiguée de cette lutte, est disposée à faire la part du feu. Alors