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CHAPITRE XII

L’ILLUSION D’AMIENS


1801, 1802, le commencement de 1803, ce sont les mois fortunés de Bonaparte. Non pas exempts de soucis pour le premier Consul. Mais c’est la France qui « s’abandonne aux plus brillants rêves », qui croit avoir touché au port, jeté l’ancre, trouvé la paix.

À un pays qui, bien que las de la guerre, ne voulait que la paix avec l’honneur, c’est-à-dire avec les frontières naturelles, le premier Consul apportait ce qu’il avait promis. Il livrait ponctuellement la commande. La France, en l’applaudissant, s’applaudissait elle-même d’avoir si bien choisi, calculé si juste, de s’être confiée à l’homme qui comblait ses désirs. Paix au dedans et au dehors, grandeur, prospérité, repos. C’est la récompense de longs efforts et la fin d’un cauchemar. Sensation de bonheur presque indicible pour un peuple qui, depuis dix ans, mène une vie convulsive, dans la guerre civile et dans la guerre étrangère. Il ne sait pas que ce n’est qu’une halte. Mais il en goûte le prix à ce point que, pour retrouver les délices du Consulat, paradis fugitif, songe qu’il aura touché de la main, il sera prêt, pendant dix ans, à refaire la guerre.

Le traité de Lunéville, dont Joseph Bonaparte fut, pour la France, le négociateur médiocre qu’il fallut souvent redresser, c’était le traité de Campo-Formio rétabli, confirmé, consolidé. Les conquêtes de la Révolution sont reconnues par l’Autriche vaincue