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À LA MERCI D’UN COUP DE PISTOLET

rés » à la guillotine, de la Convention quand elle avait condamné les complices du 1er  prairial, du Directoire quand il avait exécuté Babeuf. Au fond, c’était la suppression progressive des républicains d’action qui avait rendu possible le retour à l’ordre, et Bonaparte, là encore, continuait plus qu’il n’innovait. Il ne subsistait plus en France qu’un petit nombre de révolutionnaires ardents. Le premier Consul s’en était fait une liste. Eux disparus, aucun retour offensif de ces jacobins « exclusifs » auxquels il s’était heurté en brumaire ne serait plus à craindre. En effet, il y aura encore, et en nombre, des conspirations royalistes, des conspirations militaires, des conspirations de palais. Il n’y en aura pour ainsi dire plus de républicaines. Pour des insurrections, des « journées » il faudra une autre génération qui ne se lèvera qu’en 1830.

Cent trente suspects, dont presque aucun ne reparut, furent la rançon de la machine infernale. Lorsque Fouché tint les vrais coupables, Saint-Réjant et Carbon, quand on sut que l’attentat du 3 nivôse était l’œuvre de « chouans » il était trop tard. Il n’y eut pas de pardon pour les jacobins proscrits parce qu’on avait effectivement voulu les proscrire. Par une subtile précaution, ils n’avaient pas été condamnés pour l’affaire de la rue Saint‑Nicaise, mais compris dans une mesure de sûreté générale. Tout était bénéfice pour le premier Consul : l’indignation du public, l’anéantissement des révolutionnaires intransigeants, l’avertissement qu’il avait chez les royalistes des ennemis implacables. Ce n’était pas tout. La difficulté même de faire une loi de circonstance lui mettait entre les mains un instrument de règne d’une incomparable commodité.

Si la déportation des « restes de Robespierre », comme on les appelait, pouvait rencontrer des résistances, c’était dans les deux assemblées de qui dépendait la confection des lois. Le Tribunat était hostile, le Corps législatif mal disposé. Talleyrand