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NAPOLÉON

c’est Bonaparte qui va recueillir le fruit de la victoire de Moreau. L’Autriche se résout à traiter. Déjà Cobenzl arrive à Paris, et, en même temps que l’envoyé de l’empereur, l’envoyé du pape, Mgr  Spina. L’heure de la paix approche, la paix générale, la grande paix du dedans et du dehors, le grand rêve, le triomphe du Consulat. Ceux qui ne veulent pas de ce triomphe, dont le Concordat qui se prépare sera l’achèvement, doivent se hâter. Ils doivent supprimer Bonaparte au plus tôt et à tout prix. Trois semaines après Hoherlinden, il n’échappe que par hasard à l’explosion de la machine infernale qui, un soir, est placée sur son chemin.

Réussi, et il fut à quelques secondes de réussir, l’attentat du 3 nivôse changeait le cours de l’histoire. Manqué, il ne resta pas sans influence sur la suite des événements. Les conspirations dirigées contre le premier Consul devenaient un des éléments de sa politique. Ou elles l’abattraient au coin d’une rue, ou elles le porteraient à l’empire.

Les félicitations qu’il reçut de toutes parts pour avoir échappé à l’explosion de la rue Saint-Nicaise, leur forme même, les adresses des corps constitués, la joie de la foule, tout rendait sensible que sa personne était précieuse, tout l’autorisait à prendre des mesures qu’on eût, en d’autres temps, qualifiées de liberticides. Sincère ou non, sa première pensée fut que les criminels ne pouvaient être que des terroristes et il l’exprima avec violence. Un attentat royaliste dérangeait sa politique de fusion. Il refusait d’y croire et il lui convenait que l’attentat fût jacobin, ce qui était plus conforme à son système du moment. Il trouvait aussi l’occasion d’en finir avec les irréductibles de gauche, ce qui permettait d’en finir avec les dernières institutions de la République. Le prétexte était bon pour frapper à la tête et pour anéantir les derniers restes des factions violentes par une « épuration » semblable à celles de Robespierre quand il avait envoyé les « exagé-