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NAPOLÉON

qui avaient cru voir en lui un Monk. Le 10 octobre, attentat jacobin à l’Opéra contre le Premier Consul. Le 5 novembre, disgrâce de Lucien. Le 3 décembre, Moreau remporte la brillante victoire de Hohenlinden. Le 24 décembre (3 nivôse), attentat de la rue Saint-Nicaise. Toutes ces dates sont liées entre elles. Elles annoncent et déterminent l’avenir.

Le goût de l’autorité se développait chez Bonaparte. Porté par la faveur populaire, résolu à rester le maître, il n’avait rien dit, naguère, quand un tribun l’avait appelé « idole de quinze jours ». Maintenant l’opposition du Tribunat, qui prend au sérieux le droit critique et la liberté de parole, lui semble injurieuse, contraire surtout à la discipline sans laquelle le pays ne se relèvera pas. Déjà, il ne se croit plus tenu à la prudence. Des paroles, peut‑être calculées, lui échappent contre les anarchistes, les terroristes, les septembriseurs. Quant aux royalistes, il entend se servir d’eux, et moins que jamais travailler pour eux. Le conventionnel Baudot, fier républicain, un des rares qui n’accepteront rien de l’Empire, l’accuse d’avoir accueilli de préférence, parmi les émigrés, les absolutistes et les ultras, ceux qui accepteraient le mieux un pouvoir despotique, tandis qu’il écartait les monarchistes constitutionnels et libéraux. Il est vrai qu’il avait fait grise mine à La Fayette, qu’il laissait Joséphine, pour qui rien ne valait la cour de Versailles, où elle n’avait pourtant jamais été reçue, fréquenter ce qu’il pouvait y avoir à Paris de plus contre‑révolutionnaire parmi les émigrés rentrés. Ainsi se répandait le bruit que le premier Consul se proposait de restaurer la royauté, moyennant quoi il consoliderait sa propre situation, soit par une charge de connétable, soit par une souveraineté en Italie. Il laissait penser, il laissait dire. Deux fois déjà Louis XVIII s’était adressé directement à lui pour le prier de lui rendre son trône. Ces messages royaux, le premier Consul les avait laissés sans réponse. Trois mois après le