Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XI

UN GOUVERNEMENT À LA MERCI D’UN COUP
DE PISTOLET


Trois jours avant sa mort, Napoléon, dans son délire, revivait la bataille de Marengo, s’il faut en croire un récit que recueille la tradition. On l’entendit prononcer le nom de Desaix. Puis il s’écria : « Ah ! la victoire est à nous ! » Victoire décisive dans sa carrière. Qu’est-ce que Marengo ? Un Waterloo qui finit bien, comme Desaix est un Grouchy qui arrive à l’heure. Le 14 juin 1800, Napoléon joue sa fortune et gagne. Le 18 juin 1815, il jouera encore et perdra. Si les Autrichiens avaient été vainqueurs à Marengo, et ils crurent l’être jusqu’au moment où Desaix changea le sort de la journée, il est extrêmement probable que le Consulat eût été un bref épisode. Il n’eût duré que dix semaines de plus que les Cent jours.

Avant cette bataille, qui était déjà un banco et un va-tout, Bonaparte avait dit à ses soldats : « Le résultat de tous nos efforts sera : gloire sans nuage et paix solide. » Avant de concentrer l’armée de réserve, il avait demandé des recrues pour « finir la guerre de la Révolution ». C’est le vœu des Français. C’est aussi leur illusion, et leur nouveau chef la partage. La paix, mais avec les limites naturelles, sans quoi elle ne serait pas « solide ». Bonaparte est prisonnier de ce programme-là. Dès le 20 décembre 1799, il a écrit au roi d’Angleterre et à l’Empereur pour leur offrir la paix mais telle que