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NAPOLÉON

la masse, trouvé le point de conciliation sans chercher à construire pour l’éternité. On exagérerait peut‑être à peine en disant qu’il ne voyait pas beaucoup plus loin que la prochaine campagne du printemps. Son œuvre ne s’inspirait pas de tels ou tels principes de réforme sociale. C’était une œuvre d’actualité. Elle mettait fin à l’anarchie matérielle, à l’anarchie la plus voyante, celle dont les Français souffraient, dont ils étaient excédés. Elle conservait les idées générales et les résultats de la Révolution, inscrits dans le Code civil. Elle en respectait toujours le « génie » fait surtout de la passion de l’égalité, où baigna le corps des nouvelles lois. Au fond, quelque chose d’assez « français moyen » d’assez petit-bourgeois et rural, qui a fait longtemps des bonapartistes et des consulaires. Système très simple et même sommaire, une poigne, l’ordre dans la rue, le droit à l’héritage, la propriété intangible, les fonctions ouvertes à tous, la permission d’aller à la messe pour ceux qui en ont envie, pas de gouvernement des nobles ni des curés. Beaucoup mieux que les convulsions révolutionnaires et le théâtre dramatique de la Convention, mieux que le gâchis du Directoire, la formule napoléonienne répondait ainsi aux aspirations de 1789, sans compter que, depuis 1789, il y avait eu la vente des biens nationaux. Les acquéreurs étaient anxieux de consolider leur propriété et d’être protégés contre les revendications, de même que, dans l’état-major politique, les régicides craignaient les représailles d’un gouvernement contre-révolutionnaire. À tous le Consulat apportait des garanties.

Telles furent les assises les plus fortes du pouvoir de Bonaparte. Une autre de ses idées maîtresses, c’est la réconciliation ou plutôt, comme il disait, la « fusion » la collaboration des Français. Elle lui amène, du camp de la contre‑révolution, ceux qui ont souffert des persécutions et de l’exil. Ici, Joséphine lui est encore utile par ses anciennes rela-