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NAPOLÉON

18 brumaire, n’avaient pas été seulement militaires et diplomatiques. Elles avaient porté sur l’ensemble de la politique. C’est ainsi que Bonaparte montrait sa supériorité. Sa conception générale du gouvernement était celle que la situation exigeait. Proconsul en Italie, il avait compris que pour occuper un pays étranger avec quelques dizaines de milliers d’hommes, il fallait ménager les sentiments et les intérêts de la population, leçon qui, après son départ de Mombello, avait été perdue. De même il comprenait que, pour obliger l’Europe à reconnaître les frontières naturelles — et il était clair qu’on ne l’y obligerait que par la force des armes — il fallait que la France fût organisée et unie. Elle avait besoin de toutes ses forces, comme elle avait besoin de tous les Français, « besoin de rallier, de réunir les différents partis qui avaient divisé la nation afin de pouvoir l’opposer tout entière à ses ennemis extérieurs ». Il se trouva donc, et c’est ce qui a fait la gloire durable du Consulat, que Bonaparte, dans une idée simple et de bon sens, en vue d’un objet très précis, en vue d’une campagne très prochaine, et, comme il disait, « marchant à la journée », fit tout ce qui devait contenter les Français dans leurs aspirations les plus diverses. L’ordre, la prospérité, des lois, des finances, la sécurité du lendemain, tout ce qui manquait depuis dix ans, il le donna. Il mettait fin aux divisions, aux persécutions religieuses, aux luttes de classe. En un mot, d’une idée de circonstance, mais éminemment convenable à la circonstance, Bonaparte fit peu à peu un système de gouvernement auquel, et pour toutes les raisons qui lui étaient naturelles et que nous avons vu se développer en lui, il était plus propre et mieux préparé que personne.

Quatre mois et demi d’un labeur écrasant, qui portait sur toutes les parties de l’administration et de la politique, où il s’instruisait sans arrêt de tout ce qu’il ne savait pas encore, mirent Bonaparte en