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NAPOLÉON

CHAPITRE PREMIER

LE BOURSIER DU ROI


Lorsqu’en 1768 Louis XV eut réuni la Corse au royaume, comment se fût-il douté que le fondateur d’une quatrième dynastie naîtrait, l'année suivante, dans sa nouvelle acquisition ? Mais si l’annexion n’avait pas eu lieu ? Nombreux, en France, étaient ceux qui n’en voulaient pas, l’estimant inutile et encombrante. Que leur avis prévalût, et l’île tombait aux mains des Anglais. Ou bien encore, on aurait vu, avec Paoli, une Corse indépendante. Et quel eût été le sort de Napoléon ?

Une vie obscure, au milieu des rivalités de clans, avec quelques oliviers, quelques pieds de vigne pour tout bien. Peut-être des fonctions médiocres et honorables, à l’exemple du grand-père Ramolino, inspecteur des ponts et chaussées pour le compte de la République génoise. Les Anglais ? Il n’est même pas sûr qu'ils eussent donné un uniforme au jeune indigène. Quant à mettre son épée au service d’un pays étranger, encore lui eût-il fallu une éducation militaire. Où Napoléon l’aurait-il reçue ? Sans la France, son génie ne se fût pas révèlé. L’annexion a été son premier bonheur, car la Corse se trouvait unie à une nation assez libérale, confiante et géné-