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LE PREMIER DES TROIS

triumvirat terroriste que la Constitution de l’an III avait créé cinq Directeurs. Ce pouvoir exécutif à cinq têtes s’était montré divisé, insuffisant, et son insuffisance dangereuse pour la République. On revenait maintenant au triumvirat avec les trois Consuls. Par étapes, on arriverait à une seule personne en prolongeant toujours le mandat ; dix ans, puis le Consulat à vie, enfin la monarchie héréditaire, et toujours, ce qui n’est nullement un paradoxe, pour sauver, avec les hommes de la Révolution, la Révolution elle‑même, ses résultats civils et surtout ses conquêtes territoriales. Napoléon fut conduit à l’Empire par les courants qui entraînaient la République depuis qu’elle était devenue conquérante. Il n’y était pas encore.

Au mois de novembre 1799, on ne voyait pas plus loin qu’une République meilleure, « régénérée » par un changement de Constitution. Et si la présence de Bonaparte dans le gouvernement improvisé à Saint-Cloud était un élément dont on ne pouvait méconnaître l’importance, le jeune général n’était là qu’en tiers, à côté d’un grand pontife républicain. La Constitution que Sieyès méditait depuis de longs mois et qui devait couronner sa carrière de législateur fut la cause accidentelle qui permit à Bonaparte de prendre la première place sans recourir à un nouveau coup de force.

Le gouvernement provisoire qui s’était formé dans la soirée du 19 brumaire comprenait, avec les deux Directeurs qui avaient préparé le coup d’État, le général dont ils avaient eu besoin pour l’exécuter. Ce gouvernement n’était pas tapageur. Il était modeste et même timide. Il affectait de continuer l’ancien, de tenir toujours les Conseils pour existants. Pas de réaction surtout. On en évitait jusqu’à l’apparence et des mesures de rigueur contre les Jacobins, prises dans le premier moment, furent rapportées. On se borna à révoquer les lois vexatoires, la loi des otages et l’impôt progressif ou emprunt