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CHAPITRE X

LE PREMIER DES TROIS


Il n’est pas superflu, pour l’intelligence des événements qui vont suivre, de se demander ce qui fût arrivé si le 18 brumaire n’avait pas réussi. Aux difficultés que le premier Consul rencontra encore, on peut estimer que le gâchis eût été énorme, compliqué de séditions militaires et de rivalités de généraux, une situation dont le modèle s’est trouvé, près de nous, espagnol ou mexicain. L’armée était entrée dans la politique avant la journée de Saint-Cloud. Et précisément, en dépit des apparences, parce qu’il est lui-même un soldat, mais le plus intelligent de tous, et autre chose aussi qu’un soldat, Bonaparte vient fermer l’ère des coups d’État. Il vient étouffer la caste puissante des prétoriens. « Ce n’est pas, dira-t-il, comme général que je gouverne, mais parce que la nation croit que j’ai les qualités civiles propres au gouvernement. » Et son gouvernement sera celui d’un militaire, non pas celui des militaires. Bonaparte ne sera plus l’un d’eux, mais au-dessus d’eux. Tous dépendront de lui, aucun ne pourra le dépasser. Son propre intérêt lui commande de les tenir en main et personne ne les aura traités plus durement que lui. Le premier des services qu’il rend à l’État, c’est de bannir la politique des états-majors, de faire rentrer les grands chefs dans la discipline et dans le rang.

À Sainte-Hélène, Napoléon disait que, loin d’être