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militaire. Le public n’y regardait pas de si près et la nouvelle, aussitôt annoncée, par les soins de Fouché, dans les théâtres parisiens, fut reçue par des acclamations. Néanmoins le ministre de la police avait cru encore utile de parler de « manœuvres contre-révolutionnaires », d'une tentative d’assassinat dirigée contre Bonaparte que « le génie de la République » avait sauvé. L’histoire de la tentative d’assassinat, attestée par la manche déchirée d’un grenadier, sera très exploitée pendant plusieurs jours.

En définitive, l’opération du 18 brumaire a été difficile. Elle ne s’est pas faite toute seule. Ce n’est pas un Rubicon franchi d’un saut. Les obstacles que Bonaparte a rencontrés, les contrariétés que son dessein primitif a subies, les minutes d’angoisse qu’il a vécues, lui conseillent même, comme à Fouché, de se mettre en règle avec « le génie de la République ». Avant de quitter Saint-Cloud, on a réuni ce qu’on a pu retrouver des législateurs fugitifs. Trente selon les uns, cinquante ou davantage, selon les autres. Aux chandelles, Lucien fait voter à ce résidu des Cinq-Cents l’institution de trois consuls que les Anciens, dociles, viennent d’approuver. Il n’y a pas seulement vote, mais commission, rapport, discours où des hommes attachés aux idées de 1789, Boulay, Cabanis, se félicitent de l’événement. Les « brumairiens » étaient tout aussi convaincus qu’ils préservaient et qu’ils continuaient la Révolution que l’avaient été les « thermidoriens ». Et ils n’avaient pas tort. Ils avaient bien fait ce qu’ils voulaient faire. Seulement, toujours pour préserver la Révolution, comme pour la conserver, ils iront jusqu’au gouvernement d’un seul, jusqu’à l’Empire.