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abordé la Muiron au cri de « Vive la République ! » l’arrivée de Bonaparte c’était le salut de la Révolution. Il y eut le même pressentiment chez quelques royalistes. Jamais on n’avait été si près de l’écroulement du régime. Ils eurent l’impression juste que, pour des années, c’en était fait d’une restauration.

Et c’était précisément contre un retour des Bourbons que les républicains voulaient, en premier lieu, se prémunir. Le 18 brumaire a eu la même raison d’être que fructidor. Ces républicains n’étaient ni tellement naïfs ni tellement aveugles. La dictature d’un soldat était le risque de leur opération. Ils consentaient à le courir plutôt que celui d’une contre-révolution, de même qu’ils concevront la monarchie napoléonienne et la fondation d’une quatrième dynastie comme l’obstacle le plus sûr à la monarchie bourbonienne. Et quand on voit ce que sont devenus, après 1815, les régicides, qui prendront en exil la place de misère des émigrés, on s’explique qu’ils aient préféré tout à cela et mis un sabre, un trône même, s’il le fallait, entre les Bourbons et eux.

Mais le sentiment de la conservation personnelle n’était pas seul en cause. Des républicains sincères, authentiques, comprenaient très bien que la République périssait par la faiblesse du pouvoir exécutif. Ils voyaient la nécessité de resserrer ce pouvoir et c’est pourquoi, dans le plan de Sieyès, on passait des cinq têtes directoriales à trois têtes consulaires. Enfin, puisqu’on ne renonçait pas aux limites naturelles ni par conséquent à la guerre, le bon sens disait qu’on ne pouvait pas résister à l’Europe dans les convulsions et l’anarchie. La Convention l’avait compris et c’est pourquoi elle avait organisé la Terreur. Maintenant le régime terroriste était odieux aux Français. Il fallait refaire une autorité mais qui n’eût pas un visage de Gorgone.