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conscient des révolutionnaires. Il faut à tout prix changer la machine, sinon la catastrophe est prochaine.

Le voici dans la place. Silencieusement, il se met à l’œuvre, il ourdit sa conspiration pour le salut de la République et des républicains. La première chose à faire est de s’assurer du pouvoir exécutif, ce pouvoir à cinq têtes. Les Directeurs avaient épuré les Conseils. Il renversera la méthode. Il épure le Directoire. Le 30 prairial (18 juin 1799) il exécute son premier coup d’État qui prépare l’autre. Ayant fait, dans les Conseils, l'alliance de la vieille Gironde avec l’extrême-gauche, Sieyès élimine trois de ses collègues, garde Barras dont il ne craint rien pour ses projets et introduit au Directoire, outre Roger Ducos, son confident et son complice, deux jacobins de stricte observance, mais bornés, Gohier et le général Moulin. Il ne s’agira plus, le jour venu, que de se débarrasser de ces comparses. Sieyès a joué l’extrême-gauche, son alliée d’un jour. Il la désarme en fermant le Manège où le club des Jacobins a repris ses séances. La besogne préliminaire du coup de force définitif est accomplie. Le général Bonaparte trouve déjà le 18 brumaire à demi mâché.

Il trouve aussi la France à prendre. De Fréjus à Paris, ce qu’il voit, ce qu’il entend sur la route est à ne pas s’y tromper. L’anarchie, il la touche du doigt. Les voitures qui portent ses bagages ont été pillées aux environs d’Aix par des brigands, des « Bédouins français » comme dit le mamelouk Roustan qu’il amène d’Égypte pour orner ses cortèges et leur donner un reflet d’Orient. Le besoin d’ordre et d’autorité, on le sent partout. Et il se cristallise autour du général Bonaparte. L’accueil que lui fait Lyon est significatif et tellement chaleureux qu’il décide de se dérober désormais à des ovations qui le compromettent.

Il importe, en effet, de ne pas gâter une situation