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la guerre de Vendée ; en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte ; en me faisant ultramontain que j’ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais un peuple de juifs, je rétablirais le temple de Salomon. » Après lui, Kléber, son successeur, soldat magnifique mais soldat seulement, paraîtra distant, brutal. Il sera assassiné tandis qu’on aura respecté le « sultan Bonaparte ». La révolte du Caire elle-même, accident du fanatisme, ne l’avait pas troublé. Il fit des exemples, et terribles. Mais il continua de marier « le croissant et le bonnet rouge, les Droits de l’Homme et le Coran », la formule, somme toute, qu’il appliquera en France par la « fusion ».

Cette fois encore, au bord du Nil, il était souverain, despote éclairé et réformateur, comme à Mombello, tout à fait à l’aise à ces confins de l’Afrique et de l’Asie, ranimant par un langage imagé ses soldats, vite désenchantés et que des fatigues, des souffrances inconnues, un ennemi barbare, la soif, les ophtalmies, la poste poussaient parfois au suicide. Les « quarante siècles » en contemplation « du haut des Pyramides » appartiennent à ce genre sublime qui n’échappe au ridicule que par l’accent épique. Telle est bien la manière de dire de Napoléon, « à la fois orientale et bourgeoise », avec des effets de style agréable au Joseph Prudhomme qui habite tout Français sans faire tort à l’amateur d’aventures et de romanesque exotique. L’Égypte, dans la carrière du général, c’est Atala dans la carrière de Chateaubriand. Et, des bords du Nil, Bonaparte rapportera, avec des originalités frappantes pour les badauds de Paris, avec le sabre turc attaché à sa redingote et le mamelouk Roustan, des tournures de phrase et de pensée, un élément décoratif qui se plaquera sur la légende comme les sphinx aux tables et aux fauteuils du Style Empire. Dans le fond de son cœur, il emportera autre chose de cette expérience nouvelle. « Je suis surtout