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ne fut pas fâché de laisser croire qu’il avait été « déporté » en Égypte avec ses soldats, et ce fut un des griefs qu’il mit en réserve contre le Directoire. De leur côté, les Directeurs ont prétendu que le général factieux avait arraché leur autorisation. La vérité est que, s’il y eut de part et d’autre des calculs et des arrière-pensées, on fut d’accord pour croire au succès, d’accord pour courir la chance de mettre l’Angleterre à genoux.

Que cette chance était faible ! Peut-être n’y en avait-il pas une sur cent pour que le corps expéditionnaire arrivât seulement au but. Ce n’était pas la Manche, comme pour dicter la paix à Londres, mais la Méditerranée tout entière qu’il fallait traverser par surprise. Cela se fit par un hasard prodigieux, presque inconcevable. Quelques précautions qu’on eût prises pour cacher les préparatifs et pour donner le change sur la destination des troupes qui étaient rassemblées à Toulon, les Anglais furent avertis. Nelson accourait avec ses meilleurs vaisseaux. Bonaparte, à bord de l’Orient, posant avec l’amiral Brueys les risques d’une rencontre, n’estimait pas que la flotte encombrée de convois, les unités de combat elles-mêmes, surchargées d’hommes et de matériel, fussent en état de vaincre. Il n’y avait qu’à aller en avant.

On avait mis à la voile le 19 mai 1798. Au passage, prise de Malte, comme les instructions le recommandaient, car on s’emparerait d’un des points stratégiques de la Méditerranée. En même temps on ferait œuvre révolutionnaire, œuvre pie, en délivrant l’île de l’Ordre fameux, institution d’un autre âge. Si les chevaliers de Malte étaient restés derrière leurs murailles, le siège aurait pu s’éterniser. Leur imprudence abrégea tout. Quelques jours suffirent à Bonaparte pour organiser la nouvelle conquête de la République. Le 19 juin, la flotte cinglait vers Alexandrie.

Nelson, qui la cherche fébrilement, la manque