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à Sainte-Hélène avec O’Meara, que c’était une simple diversion, un moyen de tromper les Anglais, l’expédition d’Egypte étant déjà résolue par le Directoire.

Voici le moment de réaliser l’idée qui l’occupe depuis longtemps, qui a failli l’engager au service des Turcs, qu’il ne cesse d’étudier et de mettre au point depuis son retour d’Italie. La séduction de l’Orient remonte pour lui à ses premières lectures. C’est là que son imagination le porte. Junot racontait à sa femme : « Lorsque nous étions à Paris, malheureux, sans emploi, eh ! bien, alors le premier consul me parlait de l’Orient, de l’Egypte, du mont Liban, des Druses. » Il se mêle de la littérature, de la féerie, Antoine et Cléopâtre, les Mille et une nuits revues par Voltaire et Zadig, des souvenirs de l’abbé Raynal et de l’Histoire philosophique des Indes à une idée qui n’est pas neuve non plus, qui a déjà eu des partisans avant la Révolution, pendant les guerres franco-anglaises, celle d’atteindre les « tyrans des mers » par le chemin de l’Asie, en s’emparant de la clef de Suez, pour tendre la main, dans l’Inde, à Tippo-Sahib. Depuis que la lutte a repris avec les Anglais, Magallon, consul de France à Alexandrie, presse le gouvernement révolutionnaire de s’emparer de l’Égypte dont Leibnitz avait déjà conseillé la conquête à Louis XIV. Delacroix, ministre des affaires étrangères, avait répondu que le Directoire y songeait mais voulait d’abord connaître l’issue de l’expédition d’Irlande. Et puis, l’homme assez aventureux et assez hardi pour conquérir l’Égypte manquait. Mais les rapports étaient au ministère. Talleyrand en avait demandé d’autres. Lorsque Bonaparte, renonçant comme Hoche à descendre dans les îles britanniques, parla d’attaquer l’Angleterre et son commerce des Indes par l’Égypte et la Perse, ce ne fut pas une surprise pour les Directeurs.

Et sa proposition fut accueillie avec un empres-