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l’échange des signatures avec Cobenzl, les Directeurs exécutent leur dessein qui est de séparer Bonaparte de « son armée » et de l’Italie où il est « souverain plus que général d’armée ». Il faut qu’il s’incline ou qu’il franchisse le Rubicon.

Bonaparte s’incline. Oh ! ce n’est pas de bon cœur. À Turin, sur le chemin du retour, laissant derrière lui ses victoires, Mombello, cette belle Italie où il a presque régné, il confie à Miot qu’il ne peut plus obéir. « J’ai goûté du commandement et je ne puis plus y renoncer. » Alors il agite des projets, quitter la France, se signaler par « quelque expédition extraordinaire qui accroisse sa renommée ». Tout cela est bien chanceux. Mais il ne l’était pas moins de conclure la paix, qui mettait fin à sa mission d’Italie, ou de reprendre les hostilités, avec cet imbécile d’Augereau à la place de Hoche sur le Rhin, et avec dix millions d’Italiens peu sûrs derrière soi.

Ce qui travaille pour lui à son insu, c’est moins son désir, sa volonté, que les choses et les moyens mêmes dont on se sert pour arrêter sa fortune. Le Directoire n’a aucune hâte de le revoir. Il l’a nommé au commandement de l’armée d’Angleterre, l’armée d’invasion qui doit dicter la paix finale à Londres, chimère qui revient périodiquement et qui reviendra encore. Mais cette expédition a besoin, un très grand besoin, d’être organisée. Elle ne presse pas. Les Directeurs désirent surtout que le proconsul, enlevé à ses conquêtes, ne paraisse pas trop vite à Paris dans l’éclat de ses victoires pacificatrices. Alors ils ont l’idée, qui leur semble subtile, d’envoyer le négociateur de Campo-Formio prendre l’air du Congrès de Rastadt pour qu’il s’y fasse oublier un peu.

Ils ne savaient pas que, pour Bonaparte, rien n’était perdu. Ils se chargeaient eux-mêmes, non seulement de compléter sa formation d’homme d’État et de chef d’État, mais de le présenter à