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l’émigré d’Antraigues, arrêté à Venise, qui révèlent les tractations de Pichegru avec le prince de Condé. Il a mis un de ses subordonnés à la disposition des hommes de gauche. Il a aussi laissé d’Antraigues s’évader. Selon Carnot, il aurait même fait savoir à quelques modérés des Conseils qu’il avait subi une « pression irrésistible ». De tous les côtés il est couvert.

En quelques heures, Augereau avait tout fini. Les suspects désignés par les trois Directeurs de gauche étaient arrêtés, y compris leur collègue Barthélémy, tandis que Carnot, l’intègre républicain, accusé de connivence avec la droite, était averti à temps pour s’enfuir. Une cinquantaine de membres des Conseils furent déportés en Guyane sans autre forme de procès, pêle-mêle avec des contre-révolutionnaires de toute sorte. La République était sauvée. Mais à quel prix ! Encore plus qu’après vendémiaire elle était dans la dépendance de l’armée. L’appel au soldat devenait la règle.

Cependant il n’avait pas échappé à la perspicacité de Bonaparte que l’un des Directeurs fructidorisés, le seul qui ne fût pas régicide, Barthélémy, avait dû son élection au fait qu’il avait, comme diplomate, négocié la paix avec la Prusse et la paix avec l’Espagne. C’était ce qui l’avait désigné au choix de la majorité réactionnaire des Conseils. Et sans doute cette majorité décimée, terrorisée, était réduite à l’impuissance. Mais il servait donc à quelque chose d’être l’homme de la paix ? C’était donc un moyen de popularité autant que les victoires ? Il y avait là un rôle à prendre. Bonaparte se garda de ne pas le saisir, achevant ainsi la manœuvre qu’il avait esquissée par les préliminaires de Léoben.

Alors on vit cette chose étrange, qui en explique beaucoup d’autres, le guerrier plus pacifique que les « avocats ». Les hommes du Directoire, les conventionnels traditionalistes, voulaient toutes