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cès de ses négociations. Il ne faut pas, contrairement aux calculs du Directoire, restituer la Lombardie à l’Autriche pour la dédommager de la Belgique et de la rive gauche du Rhin. D’ailleurs, elle n’est pas encore assez battue pour céder sans compensation tant de territoires. Pour la rive gauche du Rhin surtout, sa résistance est tenace. Alors Bonaparte suggère que l’empereur, renonçant à Milan, soit indemnisé aux dépens de la République de Venise. Le massacre des Français à Vérone est arrivé à point pour fournir à Bonaparte un grief contre « l’oligarchie vénitienne». La République de Venise sera sacrifiée. Et l’Autriche accepte ce partage comme elle avait accepté naguère celui de la Pologne. Le Directoire ne répugne pas davantage à ce démembrement puisqu’il lui avait semblé tout naturel de remettre les Milanais sous le joug autrichien. Quelque regret qu’il en ait eu plus tard, c’est de lui-même, suivant l’impulsion que le Comité de salut public lui avait donnée, que le Directoire est revenu à la politique des compensations, au trafic des peuples, à ces péchés contre l’idéalisme républicain.

Bonaparte avait calculé juste. Après ces fameux préliminaires de Léoben, et en attendant la paix définitive, il est comme le souverain de l’Italie. Protecteur de la République cispadane et de la nouvelle République transpadane (la Lombardie), il dicte sa loi à Gênes, au pape, au roi de Naples, et le roi de Sardaigne est son auxiliaire. Il gouverne. Il règne. Car les Républiques qu’il a créées, dont la Constitution est calquée sur celle de l’an III, ne sont Républiques que de nom. Tout passe par lui. « Il faut une unité de pensée militaire, diplomatique et financière, » avait-il écrit à Paris hardiment. Ce commandement d’un seul est réalisé. Il l’a entre ses mains et le Directoire l’y laisse parce que Bonaparte, au moins jusqu’à la paix, reste l’homme indispensable en Italie, Le proconsulat ébauche le Consulat.