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famille comme dans la pratique régulière de son métier de souverain. Quelquefois, il avait cédé aux conseils. Pendant les premiers mois de 1868, il avait même donné quelques réceptions à la Résidence, tenu cercle à des bals de cour. Les gens de Munich se réjouissaient d’avoir enfin un roi « comme un autre ». L’illusion ne dura guère, et, peu à peu, le grand soupçon regagna du terrain. En octobre 1869, le roi Charles de Wurtemberg, très hostile à l’idée de l’unité allemande et qui s’efforçait de grouper les princes du Sud dans une sorte de ligue d’opposition, essaya de convaincre son jeune confrère de la nécessité de se rendre populaire dans son royaume, et, à cet effet, de vivre moins loin de ses sujets, moins loin aussi des chefs d’État, des hommes politiques, des diplomates. Les objurgations du Wurtembergeois furent perdues. Louis II venait de se dérober successivement à la visite du prince Napoléon et à celle du prince héritier d’Italie, qui avaient traversé Munich. Sa réputation d’insociabilité était désormais établie.

Il la confirma par des algarades d’année en année plus retentissantes, ne reculant pas quelquefois devant de formelles impolitesses. Il suffisait qu’un personnage de marque ou de sang royal annonçât sa visite pour que le roi se sauvât dans la montagne ou courût se cacher au fond d’un de ses châteaux. Y avait-il quelque chose de maladif dans cette sorte d’horreur nerveuse que certaines physionomies lui inspiraient ? On serait tenté de le croire, et l’anecdote suivante appuierait l’hypothèse. Louis II avait trente ans déjà, il avait passé l’âge des timidités, lorsque, prenant part à Hohenschwangau à un dîner de famille où, par exception, il se montrait enjoué, un courrier vint annoncer qu’un des cousins du roi, grand-duc autrichien, qui chassait aux environs, se présenterait au château le soir même. À cette nouvelle, ce-