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moins triste et moins rapide. Ce furent ses prodigalités qui servirent plus tard de prétexte à ses ennemis pour le priver de sa liberté et de son trône. Son crime fut de ne pas prendre assez souvent l’avis de la Cour des Comptes. Son erreur, d’avoir cru que le peuple de Bavière lui passerait, comme le peuple de France les avait passées à Louis XIV, les « trop grandes dépenses » dont le bâtisseur de Versailles et de Marly s’accusait à son lit de mort.

L’Allemagne, à la fin du XVIIe siècle et pendant tout le XVIIIe, avait été remplie de ces petits princes dont parle le fabuliste et qui voulaient avoir, non seulement des ambassadeurs, mais des palais à l’image de ceux du grand roi. En ce temps où l’Europe entière était française de goûts, de mœurs, de langage, les Allemands s’exténuaient avec plus de zèle encore que les autres peuples à copier notre luxe. 1813, le romantisme, la naissance du sentiment national en Allemagne, avait fait reculer, presque disparaître, cette idée de la supériorité de la France. Les victoires de 1870 venaient de porter le coup de grâce à notre influence dans les pays germaniques. Ce fut le moment que choisit Louis II pour se mettre au culte et à l’imitation de l’art français.

Depuis longtemps, comme nous l’avons dit, le roi avait mis les Bourbons de France au nombre des héros de son culte privé. Mais, dans cet ordre d’idées, il n’avait guère dépassé la manie du bibelot lorsque, le goût de la grande construction lui étant venu, il entreprit, bien que le château féodal de Neuschwanstein ne fût pas à moitié sorti de terre, d’élever un nouveau bâtiment dont il était allé chercher le modèle et l’inspiration à Versailles.

En juillet 1874, se faisant violence à lui-même, car les instants qu’il consacrait au protocole et à la vie de cour devenaient de plus en plus rares, Louis II avait donné quel-