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fruits qu’il convoite. Là, du moins, il y a une allégorie dont on peut surprendre le sens. Mais nul ne sut pourquoi il vénérait certaines colonnes, pourquoi il saluait certains arbres. Fétiches ? Compagnons muets et inanimés qu’il préférait à l’espèce humaine ? Il n’a pas livré son secret, mais ses ennemis en abusèrent lorsque, pour le perdre, ils eurent besoin de faire croire à son incurable folie…

Neuschwanstein est imposant et dispendieux. Louis avait de plus modestes retraites où il satisfaisait sa manie wagnérienne. Tout près de son château de Linderhof, cette fantaisie à la façon de Versailles égarée dans le Tyrol, au milieu d’un parc dont l’ordonnance paraît réglée par Lenôtre, une porte mystérieuse se dissimule parmi les rochers. On la pousse, on entre et l’on se trouve dans une grotte assez vaste, copiée sur celle de Capri, avec tout ce qu’il faut, en fait de stalactites, à une caverne qui se respecte. À la lueur d’un jeu de lampes électriques, on distingue, à l’extrémité d’un bassin où flotte encore la barque de Lohengrin, un grand panneau qui représente le Venusberg. Entouré des trois Grâces, d’innombrables Cupidons et de tous les personnages au corps de ballet qui figurent au premier acte de l’opéra fameux, Tannhseuser est couché aux pieds de la déesse. Ce bizarre ermitage ne servait d’ailleurs pas, comme des voyageurs pourraient l’imaginer, à de royales débauches. Louis II avait fait du Venusberg sa salle à manger d’été. Devant les délices de ce mortel aimé d’une déesse, il déjeunait de son bel appétit, assis sur un rocher romantique — le rocher de la Lorelei — avec une branche de faux corail pour table.

Un autre ermitage wagnérien lui servait de cabinet de lecture et, à l’occasion, de chambre à coucher rustique. Non loin de Linderhof encore et de son luxe, à deux pas de la frontière autrichienne, on rencontre, en pleine forêt, une