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le don de vivre et d’aimer par l’imagination. Louis II, en ce cas, aura été singulièrement germanique. Il ne se contentait pas d’embellir l’objet de son amour, ce qui est le propre de la passion. Il lui construisait une personnalité de toutes pièces. On a vu, par le ton de ses lettres, jusqu’où il allait dans cette sorte de divinisation. Il fallait être un homme de théâtre aussi expert que l’inventeur du drame musical pour savoir entretenir les illusions du royal rêveur. Moins habiles, d’autres briseront d’un geste leur propre figurine.

Il n’y avait pas, à la cour de Munich, de courtiers entreprenants comme on en trouvait au XVIIIe siècle à la cour de France. Le jeune roi de Bavière n’eut pas, comme Louis XV, un bachelier pour le déniaiser. Et puis, il eût peut-être découragé tous les bacheliers du monde. Exposé aux tentations, le farouche idéaliste se défendit contre le plaisir avec une énergie nuancée d’ailleurs d’un sérieux dédain.

La série de ses expériences sentimentales avait commencé presque avec son règne. En juin 1864, Louis était venu aux eaux de Kissingen, rendez-vous d’un grand nombre de têtes couronnées. Il y rencontra l’empereur Alexandre et sa fille, la princesse Marie-Alexandrowna. Louis, qui devait passer quelques jours seulement à Kissingen, y demeura trois semaines entières dans l’intimité des souverains russes, qu’il alla même rejoindre, la saison finie, à Schwalbach, près de Wiesbade. Le bruit de la flatteuse alliance de Louis II avec la fille d’un tsar se répandait à travers le royaume lorsque le roi revint soudainement à Munich. En même temps, la jeune princesse retournait en Russie. Louis II ne la revit jamais, et nul ne sut s’il y avait eu autre chose qu’un caprice dans ces fiançailles ébauchées.

Vint la période de la passion wagnérienne. La famille royale, la mère, l’oncle de Louis II, les ministres, les conseil-