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étagées qui lui donnent un aspect « jeune Allemagne » ou étudiant de Heidelberg, fort agaçant. Si sa dentition était mauvaise, — comme celle de Louis XIV, — il avait fort grand air. Tel quel, il plaisait aux femmes. Les paysannes du Tyrol, les dames de la Cour et celles de la ville le trouvaient également à leur goût.

La femme avait été absente de ses imaginations de jeune homme. L’adolescent mélancolique qui se promenait seul, « les cheveux et la pensée au vent », sous les sombres sapinières de Hohenschwangau ou le long des rives molles du lac de Starnberg, élaborait des théories, du reste sans fraîcheur, telles que l’universelle puissance et la souveraine domination de l’Art, la beauté des temps passés et la laideur des temps présents, la supériorité du rêve sur l’action il n’y avait pas une figure vivante qui vînt effacer dans son esprit ces pauvretés romantiques auxquelles on ne peut pas donner le nom d’idées.

Il n’aimait personne, et il avait déjà une conception de l’amour. Il s’y tint sa vie durant chose plus rare, et qui fut une de ses plus notoires originalités.

Car si Louis II a, trop souvent, cruellement outragé l’Art qu’il prétendait servir, il professait une sorte de respect mystique pour le plus profané des sentiments. Il voulait une scrupuleuse élection du sujet chéri, selon de secrètes affinités, en faisant abstraction des sens, du sexe et même de la beauté physique. Véritables amours de tête où l’on verra se succéder des personnages bien divers. Qu’il s’agisse d’un musicien de génie, d’une gracieuse princesse, d’un acteur élégant et bien disant, ou d’une impératrice, déjà dans sa maturité, mais d’une qualité d’âme si rare, la nature de l’affection de Louis II pour ses « élus » restera la même.

Stendhal croit que c’est une particularité allemande que