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l’avait embarqué sous ses yeux pour Berlin. L’art triomphait. Le soir, à la grande colère du roi, l’Or du Rhin ne put être joué. Louis dut attendre trois semaines, le temps de peindre des décors honnêtes et de faire venir des machinistes adroits. Et, sans doute, cette impatience royale honore l’amateur enthousiaste. Elle n’est pas à l’éloge de l’amateur éclairé.

Reste un sujet plus délicat.

On a prétendu que Wagner était à l’origine de la folie de Louis II. Voilà bien de l’exagération. Oh ! sans doute, il y a, chez Wagner, des excitations bien dangereuses pour la raison. On y trouve même, non pas l’éloge ironique comme dans Erasme, mais l’apothéose mystique de la folie avec ce « pur dément » qui sauve l’honneur des chevaliers du Graal, comme Louis II a sauvé « la musique de l’avenir » menacée par un siècle grossier. On se répète encore qu’avant la première de Parsifal, à Bayreuth, le « vieux magicien » disait aux fidèles de la villa Wahnfried : « Si demain vous n’avez pas tous perdu la raison, mon ouvrage a manqué son but. » Boutade, assurément, et dont il ne faudrait pas tirer des conclusions excessives en ce qui regarde Louis II. Toutefois, il semble qu’on puisse souscrire au jugement que formulèrent, en 1886, trois « psychiâtres » — comme dit le pédantisme d’Allemagne — consultés, après la mort tragique de Louis II, sur le point de savoir s’il fallait attribuer à l’influence de Wagner et au goût exagéré de ses œuvres la démence du roi : « Sur un tempérament aussi accessible à toutes les extravagances dans le domaine intellectuel que celui de Sa Majesté, répondit la Faculté, toute personnalité marquante pouvait exercer une influence, non seulement sympathique, mais même aussi dominante. Si, au moment où Richard Wagner se trouvait auprès du roi, il y avait eu à