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traites dans la solitude. Plus de réceptions, plus de promenades à travers Munich. La société lui pèse, et, quant à la foule, il la fuit. Il refusa même d’assister aux fêtes traditionnelles des chevaliers de Saint-Georges, ordre dont le roi de Bavière est le grand maître. Et, comme on dit en style de gazette, son absence fut remarquée.

La campagne qui était menée contre le favori n’avait d’ailleurs servi qu’à réchauffer l’amitié et l’admiration du roi. Comme pour montrer qu’il ne cédait pas à la pression populaire, Louis II ordonna que Tristan et Yseult, regardé jusquelà comme injouable, fût mis à l’étude. Le 11 mai, une première répétition d’ensemble en fut donnée. Wagner y convia ses amis. Et, à cette occasion, il prononça quelques mots de remerciements pour son royal protecteur et parla des haines soulevées contre lui-même. Mais, maintenant que son vœu était exaucé, une de ses pièces de prédilection arrivée à la scène, il allait se retirer de Munich, il espérait que l’on oublierait l’homme pour ne se souvenir que de l’œuvre. Paroles pleines de sagesse. S’il les a vraiment prononcées, telles que le lendemain les publia la presse, il eut le tort de ne pas les suivre. Fut-ce Louis II qui l’empêcha de partir ? L’hypothèse est encore plausible, car l’enthousiasme du jeune souverain pour Wagner retrouvait l’ardeur des premiers jours. Ce n’est plus le roi qui protège l’artiste c’est l’humble admirateur, heureux d’obtenir parfois quelques faveurs du Maître à qui il se dévoue corps et âme.

La lettre suivante est un bon témoin de la marche ascendante de cette exaltation :