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bien acclimaté à Munich qu’à Bayreuth, il n’est guère douteux que l’origine de ce succès ne soit là. Qui pourrait nier encore que l’appui donné par Louis II à la conception nationale du drame lyrique telle que l’apportait Wagner n’ait été pour quelque chose dans le mouvement intellectuel de l’Allemagne vers son unité ? Cependant, avant que cette justice lui fût rendue, Louis II devait connaître les amertumes de l’impopularité. Le petit bourgeois allemand n’a pas les idées très promptes ni très larges. Il a sur l’esthétique des vues un peu courtes. Dans un temps surtout où la vie était médiocre et l’horizon borné, il ne tarda pas à s’alarmer des dépenses du jeune souverain, de son entourage d’artistes, de ses plaisirs dont l’originalité l’inquiétait et le froissait aussi un peu.

Un des familiers de Louis II, le prince de Tour et Taxis, de même âge et de mêmes goûts que le roi, partageait ses penchants romanesques. Comme lui, c’était un wagnérien outré. Il avait une voix agréable et surtout la manie du costume et du théâtre. Il entraîna Louis II à certaines excentricités qui eurent un fâcheux retentissement. Quelque temps après l’arrivée de Wagner, Tour et Taxis organisa à Hohenschwangau une fête de nuit en l’honneur du maître. Lui-même, debout dans une barque dorée conduite par un cygne d’opéra et mue du rivage par un treuil, chanta sur le lac le rôle de Lohengrin. Plus tard, à Starnberg, Louis ordonna plusieurs de ces représentations nocturnes en plein air.

Le bruit de ces divertissements extraordinaires ne tarda pas, comme on le pense, à se répandre dans le public. On ne se fit pas faute non plus d’exagérer. Déjà circulaient sur le roi des rumeurs absurdes. Par exemple, le 29 juillet, le Journal universel devait démentir une nouvelle colportée