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phait cette « musique de l’avenir » que Louis II avait protégée, encouragée, presque révélée, à laquelle il avait associé son nom. Louis II recevait sa part légitime du culte wagnérien. Le mouvement de générosité et d’idéalisme par lequel il avait ouvert son règne portait ses fruits et sa récompense.

La littérature de tous les pays allait faire de Louis II son héros. Les symbolistes, dont commençait la vogue, ne devaient pas tarder à l’exalter, les psychologues à l’étudier, à l’expliquer, à entourer son histoire de vigilants commentaires. En France surtout, les poètes, les romanciers, tressaient à Louis II une belle couronne. Cependant, l’Allemagne restait indifférente, abandonnait l’histoire de Louis II aux curiosités vulgaires, la rejetait dans un romanesque inférieur. L’auréole wagnérienne elle-même ne réussissait pas à intéresser les Allemands à la personne de Louis II.

Mais nous, Français, ne devons-nous pas garder de la reconnaissance à ce confédéré de l’Empire, pour le témoignage qu’il a porté en faveur de la primauté de notre civilisation et de nos arts ? Louis II se sera trouvé d’accord avec le plus célèbre écrivain allemand de l’âge nouveau pour préférer l’esprit français à l’esprit germanique, pour avertir l’Allemagne qu’elle retournait à la barbarie en rejetant la tutelle du goût français. Frédéric Nietzsche a donné ses raisons : Louis II a construit ses châteaux. Ce n’était évidemment pas assez pour nuire à la solide construction politique qui avait été l’œuvre de Bismarck. Mais livres et palais resteront comme des témoins. Et nul ne sait si l’avenir ne dira pas que Louis II, admirateur de la France comme un simple adhérent de la Ligue du Rhin, au lieu d’être un retardataire a été un précurseur.


FIN