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du monde. La Faculté s’empara du cadavre du roi et, à la suite de l’autopsie, proclama, dans un rapport circonstancié, que Louis II était malade de corps et d’esprit, et fou, non pas une fois, mais au moins trois ou quatre, comme le prouvaient toutes les irrégularités, excroissances, anomalies et asymétries qu’elle avait découvertes dans son cerveau. À la Chambre, ce fut le ministre Lutz en personne qui se chargea de prouver que le souverain auquel il devait son élévation était un dément pur et simple, qu’il avait fallu déposer et enfermer pour éviter les catastrophes. Une Commission parlementaire rédigea un nouveau rapport qui concluait à une approbation sans réserve du Gouvernement. La Chambre s’empressa de ratifier l’établissement de la régence.

Mais on rendit à la dépouille de Louis II, cruellement disséquée par les aliénistes, autant d’honneurs qu’on lui en avait refusé dans les derniers jours de sa vie. On donna à ses funérailles la pompe et le cérémonial traditionnels. Son cœur fut porté dans la basilique d’Altœtting et placé dans une urne d’or, comme ceux de tous les Wittelsbach qui l’avaient précédé sur le trône.

On raconte qu’à la nouvelle de sa mort, des montagnes de fleurs, de couronnes, s’amoncelèrent autour de son cercueil. Il en venait de toutes les contrées de l’Europe, il en venait d’Amérique même. Les femmes surtout rendaient hommage au roi vierge, dont on disait qu’il n’avait fui l’amour que pour le mieux respecter. C’était la légende de Louis II, le conte bleu du prince charmant, amoureux des clairs de lune, roi du rêve, de l’art, de la beauté, qui s’emparait du monde. Et cette mort, si émouvante pour les imaginations, survenait en pleine apothéose de l’art de Wagner, au moment où triom-