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loin, le parapluie de Gudden et son chapeau. Enfin tout au bord de l’eau, le manteau et la redingote du roi.

On se hâta de détacher une barque. Müller et quelques domestiques s’y jetèrent, scrutant le lac sombre avec des lanternes. Soudain, la rame heurta un corps. C’était celui du roi. Un des gardiens se mit à l’eau pour le hisser dans le canot. Détail à retenir à cet endroit, le flot ne s’élevait qu’à la hauteur d’une poitrine d’homme : le roi n’était pas mort noyé. On continua les recherches dans la nuit. Plus près encore de la berge, et moins loin aussi de la lisière du parc, on découvrit le cadavre du Dr Gudden. Là, le niveau des eaux n’atteignait guère que la ceinture.

On ramena au rivage les deux funèbres trouvailles. Vainement s’efforça-t-on de rappeler le roi et son médecin à la vie. La mort remontait déjà à plusieurs heures. À minuit, on renonçait à tout espoir, et la nouvelle était télégraphiée à Munich. C’était pour le prince-régent et pour les complices de son coup d’Etat, une grave responsabilité qui surgissait. Cette mort mystérieuse devait, justement ou injustement, faire naître contre eux des soupçons. Il n’est pas rare de rencontrer aujourd’hui en Bavière et en France des personnes qui sont convaincues que la mort de Louis II est due à l’un des assassinats les plus notables de l’histoire. Essayons cependant de reconstituer le drame.

Le jour finit. Le roi, plus paisible que jamais, marche à côté du docteur, et, dans ce parc dont les détours lui sont familiers, conduit insensiblement son gardien du côté du lac et aussi du côté de la clôture car la clôture s’arrête où le lac commence, et, en se jetant à l’eau, on peut rejoindre la terre libre, où il n’y a ni infirmiers ni gendarmes et où, selon toute vraisemblance, des amis attendent le prisonnier avec des chevaux, tout prêts à aider sa fuite.