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qu’il joua avec le Dr Gudden, il entra un peu du désir de prendre une revanche sur le spécialiste qui l’avait privé de sa liberté, et qui avait abusé de l’occasion qui lui était offerte de traiter son roi comme un « pur dément ».

Louis II s’appliqua donc à endormir la méfiance de son médecin, et il y réussit très vite. Aux repas, il mit tout son esprit à s’entretenir avec Gudden, Müller et le baron Washington, qui avait été nommé gouverneur du château, c’est-à-dire qu’il était préposé du prince-régent, quelque chose comme l’Hudson Lowe du royal prisonnier. Pendant les promenades dans le parc, Louis se montra docile aux recommandations de Gudden, presque enjoué dans la conversation, de sorte qu’il obtint d’être délivré de la présence d’un infirmier qui, dit-il, l’importunait. Gudden, dès le lendemain de l’arrivée à Berg, était convaincu que le roi se résignait à son sort. « Il est comme un enfant », disait-il au baron Washington. Gudden avait même fini par revenir sur son diagnostic et ne considérait plus Louis II que comme atteint de manies inoffensives.

Le 13 juin, il fit part de ses idées au Dr Müller et lui dit que désormais il serait inutile de le faire surveiller par les infirmiers, pendant ses promenades dans le parc avec le roi. Le Dr Müller n’était pas aussi rassuré, s’efforçait de montrer à son chef les risques de la plus légère imprudence. Gudden répondait de tout. Dans l’après-midi, il télégraphiait à Munich un bulletin de santé d’une concision optimiste « Tout va ici pour le mieux. »

C’est Louis II qui l’avait emporté sur l’aliéniste, dont le jugement devient nécessairement fort suspect, car nous ne savons plus à quel moment il a vu clair quand il a traité Louis II en fou dangereux ou quand il a cru à sa tranquillité d’esprit.