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« Sire, j’ai reçu aujourd’hui la mission la plus triste de ma vie. Quatre médecins aliénistes vous ont observé, et sur leur rapport, le prince Luitpold a pris la régence. J’ai l’ordre d’accompagner, cette nuit même, Votre Majesté au château de Berg. Si Votre Majesté l’ordonne, la voiture sera prête à partir à quatre heures. »

Cette brutalité, l’hypocrisie de ces formules menteuses et contradictoires, arrachèrent d’abord au roi un cri douloureux. Puis, atterré, il s’écria « Que me voulez-vous ? Que signifie tout cela ? » Et il se laissa conduire, muet, la marche mal assurée.

Pourtant, chose curieuse, Louis II reprit très vite sa présence d’esprit. Dissimulation d’aliéné, ou, au contraire, complète possession de soi-même de l’homme sain d’esprit ? Là encore, le doute persiste. Gudden présenta au roi ceux qui allaient devenir ses gardiens. Louis II fut aimable, simple, digne, comme dans son cabinet d’audiences. Il s’entretint tout de suite familièrement avec Gudden. Il lui rappela qu’ils s’étaient déjà rencontrés en 1874, au moment où le prince Othon avait été, lui aussi, enfermé. Le roi parlait même de folie avec une liberté d’esprit entière il s’appliquait visiblement à gagner la confiance de ses geôliers.

« Comment pouvez-vous déclarer que ma raison est atteinte, puisque vous ne m’avez pas observé ? demanda-t-il tout à coup au Dr Gudden.

— Sire, répondit brutalement l’aliéniste, un examen n’était pas nécessaire. Le rapport que j’ai signé avec mes collègues est tout à fait convaincant et suffisant par lui-même. Et combien de temps durera la cure ? demanda le roi sans relever l’observation.

— Sire, il est écrit dans la Constitution que, si le roi est empêché pendant plus d’un an, pour quelque motif que ce