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allait tourner mal. Ils essuyèrent avec impatience les reproches de la singulière sentinelle.

« Monsieur de Crailsheim, jamais je ne jouerai plus du piano avec vous », s’écriait, au dire d’un témoin, la vieille dame de la bonne société de Munich, qui d’une voix aiguë accablait d’injures les ministres et les hauts fonctionnaires, fort contrariés de ce début malencontreux.

Leur inquiétude se précisa lorsqu’en approchant de l’entrée, ils découvrirent les pompiers villageois rangés en bon ordre, et les gendarmes qui croisaient la baïonnette. La déclaration du prince-régent, lue à haute voix, ne produisit aucun effet sur ces braves gens, qui répondirent en invoquant la consigne que leur avait donnée le roi.

Après avoir inutilement essayé de parlementer, les commissaires se retiraient fort déconfits et reprenaient le chemin de Hohenschwangau quand ils se virent entourés soudain par les gendarmes qui arrêtèrent, au nom du roi, MM. de Crailsheim, Holnstein et Tœrring. On les ramena au château. Quelques minutes après, les autres membres de la mission y étaient conduits à leur tour. Ils durent traverser la foule des paysans accourus, dans un mouvement de loyalisme, pour défendre leur souverain. Ces poings montagnards furent bien tentés de lyncher les messieurs en habits dorés. Car c’est le secret de toutes les guerres vendéennes : avec la satisfaction de lutter pour le prince légitime, Jean Chouan se donne le plaisir de combattre l’autorité établie. Heureusement pour les conseillers d’État, pour les aliénistes et leurs auxiliaires, les gendarmes se trouvaient là et protégèrent l’ordre social.

On enferma les envoyés du prince-régent — de l’usurpateur — dans des cellules. Et Louis II n’avait pas manqué d’ordonner les oubliettes, par plaisanterie ou sérieusement,