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ses interminables courses à travers la montagne firent désormais son unique société, jusqu’à celle du médecin aliéniste que lui imposa la sollicitude de son oncle Luitpold.

« A partir de 1883, dit M. de Neumayer dans le rapport de la célèbre Commission qui justifia l’internement de Louis II, Sa Majesté cessa de fréquenter des hommes cultivés. » Est-ce bien un signe de folie ? Il reste permis d’en douter. Si Louis II estimait que les « hommes cultivés » sont plus ennuyeux, plus stériles, moins sincères que les natures incultes, de quel droit lui faire ce procès de tendances, le condamner pour une opinion, pour un simple goût ? L’Allemagne, avec cela, est le pays où abondent les « Philistins de la culture », plus redoutables que le Philistin vulgaire, parce qu’ils prétendent au bel esprit. Mais Louis II, dira-t-on, n’était-il pas aussi, dans son genre, un « Philistin de la culture », par le zèle artistique si naïf de ses châteaux, par sa fâcheuse tendance à concevoir la vie comme une suite d’attitudes littéraires ?… Mon Dieu, il y eut de cela sans doute dans le cas de ce prince. Mais nous préférons voir en lui un de ces aspirants malheureux à la civilisation, un de ces impétrants à l’humanité supérieure, rougissant de leur barbarie germanique et touchés par la grâce du génie latin et du style français, que l’Allemagne a toujours produits, même aux époques où elle était victorieuse et le plus sûre d’elle-même.

Pourtant, les « hommes cultivés » de Munich et des environs ne pardonnaient pas à Louis II de se passer si volontiers de leur compagnie. Ils se sont vengés par de terribles médisances. Le roi vivait familièrement avec quelques-uns de ses domestiques. Il se prenait d’affection pour des inconnus. Il faisait assister à ses représentations privées des soldats qu’il avait remarqués pour leur bonne tenue, et il