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création artificielle, et qu’il faut l’apprendre comme on apprend l’espéranto.

Quoi qu’il en soit, cette entreprise étrange, et un peu effrayante, est certainement la plus originale de toutes les réformes de Mustapha Kemal. Elle nous prouve à quel point l’esprit du dictateur est un esprit constructif, un esprit créateur, même contre toutes les conditions habituelles de la vie.

D’ailleurs, il est trop certain que le Turc, malgré l’apparence « moderne » de ces réformes, les accepte d’une manière généralement passive, comme il accepterait tout excès d’une dictature asiatique. C’est ce mélange de despotisme oriental et de mimétisme occidental qui fait l’originalité de la figure du Ghazi.

Il peut tout se permettre, et tout l’Orient a les yeux tournés vers lui, malgré ses prescriptions anticoraniques. La légende l’accompagne : on prétend qu’il vit de fête en fête, passe ses nuits dans les danses et le plaisir, et sort des cabarets pour organiser les finances ou tracer des plans de villes modernes. Peut-être dans vingt ans d’ici apparaîtra-t-il comme le dernier des grands Sultans.

En tout cas, il fournit la preuve qu’un dictateur puissant peut faire faire aux peuples à peu près tout ce qu’il veut et, qu’ils le désirent ou