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lement, que l’on montre avec orgueil aux voyageurs de marque et aux journalistes étrangers, ne suffit pas à compenser l’apathie d’un peuple entier accomplissant sans espoir une besogne de galérien.

En onze ans, on estime que Staline a chassé de leurs foyers cinq millions de paysans et fait exiler dans les îles de la Mer Blanche, de l’Océan Glacial ou au fond de la Sibérie, huit à dix millions d’hommes de toutes les classes sociales, soldats, ouvriers, fonctionnaires, commerçants et intellectuels.

Ayant réuni dans ses mains l’ensemble des pouvoirs, exerçant sans contrôle le droit de vie et de mort sur toute la Russie, Staline apparaît comme un despote oriental, doublé, selon le mot d’un de ses adversaires, de tous les ridicules de Bouvard et de Pécuchet.

Mais sans sa dictature, comme sans celle de Lénine, il y a longtemps que la Révolution russe ne serait plus qu’un souvenir. Tous les deux sont partis de ce vieux principe que la force est l’accoucheuse des sociétés. Un forceps est particulièrement nécessaire, en effet, pour l’accouchement des monstres.