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comment sera-t-il donné à la Colombie de réaliser le délire de Robespierre et de Marat ? Peut-on même songer à un pareil somnambulisme politique ? Législateurs, gardez-vous bien d’être comparés, par le jugement inexorable de la postérité, aux monstres de la France ! »

Aussi Bolivar fut-il toujours indigné, dans son réalisme politique, de voir les États de l’Amérique du Sud adopter des constitutions toutes faites, fondées sur l’abstraction, et qui n’étaient point créées pour eux. Ce qu’il eût voulu, ce que les écrivains de l’Amérique latine ont nommé la théorie bolivarienne, c’est le système d’un partisan de « l’hérédité sociocratique » à la manière d’Auguste Comte, et avant Auguste Comte. Il eût voulu, s’inspirant sans doute en cela de la coutume des Antonins à Rome, qu’à la tête de chacune des Républiques qu’il avait créées, il y eût un président à vie et nommant son successeur. Ainsi pensait-il concilier le pouvoir absolu et la durée, apanage des monarchies héréditaires, en se passant de l’hérédité.

On n’a pas suivi toutes les idées de Bolivar. Pourtant, dans les États successeurs de son État idéal, on est revenu peu à peu au dictateur. Le dictateur, dans ces pays de plaines et de chevaux, c’est le chef des llaneros, c’est le maître des gauchos, le candillo. Le candillo (on parle