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à certaine idée abstraite de l’homme, dont la déclaration des droits américaine, avant la française, donnait une image inconnue. Lorsque Joseph II écrase les révoltes des Pays-Bas et prétend réduire son vaste Empire, fait de pièces et de morceaux, à une unité peut-être contre nature, il sacrifie à cette idole.

Mais en même temps, empereur, impératrice, roi, encensés par les publicistes français, renforcent leur pouvoir, accroissent, ou tout au moins pensent accroître, la solidité de son trône. C’est un fait qui doit nous porter à réfléchir. Tandis que les philosophes acclamaient les princes qui s’abonnaient à l’Encyclopédie, accueillaient à leur Cour Voltaire, d’Alembert ou Diderot, ces mêmes princes s’appuyaient à la fois sur la force, sur les idées à la mode, et ne dédaignaient pas pour cela le surcroît de pouvoir que leur apportait la tradition. Joseph II ne reniait pas le droit divin, et Catherine se faisait toujours obéir du Saint Synode où elle avait son représentant.

Loin d’être une forme plus libérale de pouvoir, le despotisme éclairé au XVIIIe siècle semble donc avoir été une forme particulièrement intéressante de dictature : car elle mêle toutes les raisons anciennes que peuvent avoir certains hommes de dominer les autres, à quelques rai-