Page:Jacques (Huot) - La tête de mort, 1944.djvu/4

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce dernier fut donc étonné de l’entendre dire, même avant de le voir :

— Qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas ce matin, Émile ?

Émile Tremblay s’avança et prit une chaise auprès de son Chef.

— C’est vrai : je suis très perplexe. Mais veux-tu me dire comment tu as fait pour t’en apercevoir ? Tu ne me regardais même pas lorsque je suis entré.

— Combien y a-t-il de mois que tu entres ici chaque matin, à peu près à la même heure ?

— Environ 16 mois, Julien…

— C’est dire que je t’ai souvent entendu entrer…

— J’en conviens.

— Alors ce matin tu n’as pas ouvert la porte comme d’habitude. Tu as tournaillé la poignée nerveusement et marchais drôlement.

— Je comprends. Tu as déduit que quelque chose d’anormal se passait chez moi.

— C’est ça. À force de ne pas grouiller, tu sais, on s’habitue à remarquer comment les autres agissent et se meuvent.

— Je comprends.

— Maintenant tu vas me dire ce qu’il y a.

— C’est une cause naturellement.

— Elle a l’air de t’affecter passablement… ?

— Je vais te dire pourquoi.

— J’écoute.

— Il s’agit d’une cause à laquelle nous ne pouvons pas toucher, mais où ton intervention est cependant nécessaire.

— C’est presque un roman ?

— Il s’agit de deux de mes amis. D’abord Peggy Minto est une jolie jeune fille que je connais depuis des années…

— Je pensais que tu étais marié et père toi-même d’une jeune fille assez âgée pour que tu sois enfin raisonnable et ne t’occupes pas de courir…

— Tu ne comprends pas. Il s’agit d’une amie de ma fille, que j’estime beaucoup. Or elle est dans le trouble.

— Pourquoi ne la réfères-tu pas à la Sûreté. De là on nous l’enverrait ?

— C’est justement ce qu’elle ne peut pas faire.

— Pourquoi ?

— Elle était courtisée par un jeune ingénieur qui tra-