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léges douloureux des élus de l’intelligence, de ressentir davantage et d’être d’autant plus souvent esclaves de leurs sentiments que ces sentiments sont plus exquis. Vainement il eût voulu, aux yeux du monde, dissimuler les efforts pleins d’amertume qu’il faisait pour en triompher.

Je dois ici repousser énergiquement l’accusation d’égoïsme et d’indifférence portée contre lui. Évidemment le philosophe et le savant laissaient peu de place à l’homme de foi et de sentiments ; mais je ne veux, comme témoignage de sa profonde affection et de son réel attachement pour les siens, que la lettre qu’il écrivit, à son lit de mort, à Porphyre, et dont je cite textuellement les dernières lignes :


« Ma fin, si c’est elle qui s’approche, est douce et tranquille. Si tu étais là, assis sur le bord de mon lit, avec notre père et Frédéric, j’aurais l’âme brisée, et je ne verrais pas venir la mort avec cette résignation et cette sérénité. — Console-toi, console notre père ; consolez-vous mutuellement, mes amis.

« Mais je suis épuisé par cet effort d’écrire. Il faut vous dire adieu ! — Adieu ! Oh ! que vous êtes aimés de votre pauvre Victor ! — Adieu pour la dernière fois ! »


Assurément, celui qui écrivit ces lignes était un homme de cœur. Qui de nous les relirait sans pleurer !