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Prosper Mérimée, Henry Beyle, Jules Gloquet, le chérirent les uns comme un fils, les autres comme un frère.

Son naturel franc et généreux, son esprit qui s’exerçait sur les choses, et non aux dépens des hommes, comme il arrive trop souvent aux mieux partagés, lui conciliaient l’estime et l’amitié de tous. On ne pouvait le voir une fois sans désirer le connaître, et le connaître sans désirer prendre place dans son affection. Une ardente imagination, portée à s’éprendre trop facilement de l’idéal qu’il se créait lui-même, devait malheureusement troubler les débuts de cette brillante existence et le déterminer à chercher loin de Paris le calme qu’un attachement romanesque lui avait fait perdre.

À la fin de l’automne de 1826, ses amis apprirent avec surprise qu’il était allé s’embarquer au Havre pour les États-Unis. Il n’avait confié ce projet et les chagrins qui le forçaient à l’exécuter qu’à ses deux meilleurs amis, son père et son frère Porphyre.

Un changement qui n’avait pas échappé à ceux qui vivaient habituellement avec lui s’était, d’ailleurs, manifesté dans son caractère, et avait substitué la contrainte à la franchise habituelle de ses relations. La tendresse de quelques-uns s’en était offensée, et le sentiment de cette situation accroissait encore, chez Victor, la souffrance à laquelle son âme était en proie.

Il était atteint d’un mal profond, comme tant de grands cœurs en ont porté : car c’est là un des privi-